L’oeil du vin
L’œil du vin
L’œil dans le vin : un organe de tout bon dégustateur
« Si l’œil n’est pas organiquement lié au goût du vin, participe néanmoins beaucoup à sa genèse. L’oeil, c’est l’organe qui participe sans toucher. C’est le goût à distance, rendu possible par le recul et l’analyse. Car, déjà, insensiblement, avec l’oeil, le vin montre sa dimension symbolique. Le vin touche au plaisir et parle au cerveau. C’est le rouge délicatement rubis de ce Chambertin Clos de Bèze qui dit au cerveau que le Pinot noir n’est plus dans son premier âge, et laisse présager des arômes de fraises des bois et de muscade.
L’oeil averti, l’oeil de celui qui connait le vin et l’étudie dans sa grandeur et sa complexité, prépare déjà le goût. Il le prépare par des arguments rationnels – nature du cépage pour qui connaît la couleur des baies ; âge et origine du vin pour qui sait apprécier les dégradés de couleurs : du violet à l’orangé tuilé pour les rouges ou du jaune argenté au doré pour les blancs ; teneur en alcool pour qui sait analyser la fluidité du liquide qui danse dans le verre. Car l’oeil est un organe exercé, qui sait analyser et reconnaitre. L’oeil de l’amateur averti a vu quantité de teintes et de tons. Il est un peu la mémoire du nuancier infini que peut présenter la variété multiple des robes du vin. Bref, l’oeil, c’est déjà le goût du vin. Il le rend possible et le permet. Et cette alchimie presque incongrue de l’oeil au goût, tient en réalité à la nature du vin : le vin, c’est aussi et avant tout beaucoup d’esprit.
On voit bien que le vin ne saurait se réduire à une définition chimique. Le goût du vin n’est ni une révélation ni une sensation innée. Il s’acquiert, avec patience, au gré des rencontres et des opportunités, dans une lente maturité savoureuse… »
Benoît Chavanne, publié en avril 2016 dans En Magnum, Le vin plus grand, Bettane+Desseauve