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L’alcool dans le vin : danger absolu ou chance de liberté ?12 juin 2014
L'oeil de Benoît - par Benoit Chavanne

alcool ennemi

Sujet brûlant, mais qui me tenait à cœur…

On a la chance aujourd’hui d’être tous conscients – professionnels du vin, consommateurs, citoyens…- que l’ivresse est un danger qu’il faut combattre. L’ivresse est un excès. Et les professionnels du vin savent que cette parenté sulfureuse entre le vin et l’alcool a besoin de pédagogie, et mesurent et condamnent bien évidemment les dérives qu’elle entraine.
Le vrai progrès, me semble-t-il, c’est que, sauf à passer pour un rustre ou une bête de somme, plus personne de nos jours ne chantent les vertus du vin et de l’alcool comme gage de virilité ou rite initiatique vers l’âge adulte. « Bois mon fils, tu seras un homme, un vrai » ne passe plus vraiment comme un signe d’évolution culturelle… Aujourd’hui, j’ai l’impression que la société est bien plus responsable et mature dans son approche du vin. Réjouissons nous de ce résultat, fruit d’un ensemble de mesures, et notamment celles des pouvoirs publics.

Et pourtant…
Et pourtant, aujourd’hui, le sens commun assimile encore trop souvent vin et alcool, et ne veut voir dans le vin que l’alcool. Certes, « il y en a » ! Et le vin reste et demeure le résultat de la fermentation alcoolique du jus de raisin. C’est l’un des miracles du vin : cette fermentation produit des saveurs et des arômes qui n’étaient qu’ « en puissance » dans le jus de raisin frais. De surcroît, cette fermentation n’est pas une distillation, à l’œuvre dans les boissons qu’on nomme génériquement « les alcools ». Un Côtes du Rhône n’est pas un Pastis.
Et pourtant dis-je, un phénomène largement mondial conduit les jeunes principalement, garçons et filles, à rechercher dans la boisson alcoolisée l’effet seul de l’alcool. A rechercher l’excès dans un minimum de temps. Par souci d’efficacité, ils privilégient donc les alcools forts pour gagner l’ivresse. Je note toutefois qu’on trouve rarement du vin dans les soirées étudiantes qui recherchent ce funeste objectif.
De là, un terrible constat :
– un rapport à l’alcool des plus primaires et dangereux.
– une attitude qui tend à rechercher des alcools bon marché et commerciaux.
– l’assimilation de ces alcools à des moyens d’accéder à l’ivresse excluant totalement la dimension « plaisir » de l’acte de boire un verre.
– l’assimilation du vin à l’alcool et aux alcools.

Or, boire du vin est un acte de liberté responsable. Il est la preuve qu’on maîtrise son corps et oriente librement ses choix. Il est un acte de liberté fort, il est un acte de culture. Je bois un verre de vin car je suis un être responsable, qui sait évaluer, mesurer ses choix et qui répond de ses actes. Je suis une volonté en acte. Je bois car j’en retire des plaisirs qui sont d’abord et avant tout des plaisirs de l’esprit : l’échange avec les convives, la saveur et la délicatesse des arômes de chèvrefeuille ou de cassis, la joie d’ouvrir un flacon que j’ai depuis des années, la fierté de pouvoir me dire que je suis un homme d’autant plus libre que je suis apte à en entreprendre certains actes qui peuvent être à risques.
Doit-on interdire les couteaux au restaurant sous prétexte que ce sont des armes en puissance ?
L’homme civilisé, l’homme moderne, l’homme de culture c’est précisément celui qui dompte et contrôle ses actes.
Bien boire, c’est faire la preuve de la maîtrise raisonnée de sa liberté.
Voilà sous quel jour j’aimerais que l’on présente l’approche du vin : Boire du vin, c’est être un homme d’esprit et de culture. C’est un apprentissage. C’est l’apprentissage d’une liberté guidée par la raison et l’éducation. Et non par la seule culture de l’interdit, qui au final, devient une maxime sans responsabilisation. Apprenons à vivre avec courage. Apprenons à bien boire.

Sur ce, je me sers un verre de Monnières St Fiacre, appellation découverte il y a peu…


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