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Interview en Haute-Corse avec Maria-Francesca Devichi05 août 2014
Actualités - par Benoit Chavanne

vin patrimonio

Rencontre avec le domaine Devichi, domaine familial d’environ 27 hectares situé à Barbaggio (Haute-Corse) et dirigé d’une main de maître par la vigneronne Maria-Francesca Devichi.

Le domaine Devichi est dans votre famille depuis 5 générations. Était-ce une évidence pour vous de reprendre le flambeau ?

Non, pas du tout, enfant et adolescente je rêvais d’autre chose que la Corse, je rêvais d’humanitaire. Je n’ai jamais connu aucune pression de la part de ma famille  pour reprendre le domaine. Ils avaient eux aussi d’autres activités, et  ne m’ont jamais mis aucune barrière. On m’a laissé libre d’entreprendre plein de choses à la fois, et d’attendre beaucoup de ma vie professionnelle. Aujourd’hui, je ne laisserais ma terre pour rien au monde. J’essaie d’apporter  moi aussi ma contribution, ma  touche personnelle à l’édifice familial.

Une journée type avec Maria Francesca ?

Une journée type est assez difficile à décrire car ce n’est jamais la même chose. Même chaque vendange est différente.
En général, j’attaque de bonne heure. Il faut d’abord répartir les tâches dans l’équipe de travail, (je travaille avec 7 personnes à l’année, parfois des saisonniers en plus, et mon père qui donne encore un coup de main). Après quoi je vais à la vigne ou à la cave. Si je travaille sur mes vins, je passerai  la journée dans le chai et on fera un point le soir pour l’avancée des travaux agricoles. Sinon, je fais mon tour d’inspection à la vigne, vois ce qui est fait, est urgent ou à faire. En période de taille, je vais aider moi aussi. J’ai appris tous les travaux comme un ouvrier novice, au fil des saisons, avant de pouvoir superviser, c’était l’exigence de mon père pour me faire confiance, et avec le recul je ne peux que lui donner raison.

Aux alentours de 10h je regagne mon bureau pour tout ce qui est paperasse et comptabilité, coups de fils, affaires à régler  ou rendez vous. L’administratif prend une grande part dans notre métier. On est aussi homme ou femme d’affaire, on gère un business. L’aspect commercial est essentiel,  il faut toujours essayer de développer  son entreprise, ses contacts, son image. En fin de matinée, je déguste les vins à la cave, selon qu’ils soient toujours en vinification ou avant de les mettre en vente ou en bouteille. Puis, retour à la vigne, au plus tard jusqu’à 17h, avant le retour à mon bureau pour plus d’administration, parfois jusqu’à tard dans la nuit. Tout ça du Lundi au samedi.

On a la chance de participer à des événements pour notre promotion et nos ventes, à des dégustations, des salons et des foires en France ou à l’étranger. On rencontre des gens différents et intéressants, du client au commercial en passant par le journaliste, ça donne une richesse et une motivation pour les matins difficiles.  J’ai parfois l’impression que les journées ne sont pas assez longues !

On a beaucoup apprécié votre rosé 100 % Niellucciu, ses notes épicées (poivre, muscade), un rosé presque…animal. Comment obtient-on un tel vin ?

Je ne suis pas une puriste de l’œnologie, ma force c’est ma matière première. Je bichonne mes vignes pour qu’elles me donnent le plus beau raisin possible. Je le garde intact jusqu’à la pressée à la cave, j’essaye de protéger le jus qu’on en a extrait qui s’appelle le moût, sensible à la chaleur et à l’oxydation,  je le débourbe au froid (le froid permet par gravité de précipiter les impuretés présente dans le jus juste pressé), je ne levure pas, je sulfite juste ce qu’il faut pour que les meilleures souches de levures indigènes présentes sur la « pruine » du raisin se développent. Elles vont permettre une fermentation régulière et continue que je surveille pour qu’elle s’effectue dans les meilleures conditions possible (température essentiellement). Des qu’elle est terminée, je protège mon vin et le laisse tranquillement déposer et reposer.

Ce sont ces bases simples qui permettent d’élaborer des vins qui ont déjà une certaine qualité, une hygiène rigoureuse dans le chai, de la méthodologie. Par la suite, c’est le travail d’élevage qui va donner sa personnalité au vin, dans mon cas, c’est l’expression d’un pur Niellucciu (N.B. cépage typique corse) de Barbaggio, juste pressé, avec sa force et son caractère, mais aussi ses parfums de maquis.

Vins de liqueur d’oranges et de liqueur de myrte…ces alcools atypiques que vous proposez également ne sont-ils pas des alcools ‘oubliés’ ? A quelle occasion peut-on les consommer ?

Oui c’est vrai, et c’est un de mes défis que de les réintroduire, du moins auprès de consommateurs plus jeunes. Nombreux de nos clients me disaient souvent « Ah le vin d’orange de vos parents quel souvenir, dommage que vous n’en fassiez plus », du coup j’ai voulu apprendre la recette et le savoir faire, j’en ai offert quelques bouteilles à certains établissements que je fournissais en vins, comme cadeau de fin d’année. Quelques jours plus tard, j’ai été contacté par  des barmans qui avaient élaborés des cocktails en y associant mes vins de liqueur…Le concept était né !  Une fois qu’on a goûté un myrte/fraise/menthe sauvage, avec un trait d’Orezza (N.B. eau pétillante corse), on ne peut plus s’en passer !

Si on vous demande un accord mets/vin, spontanément, vous pensez à quoi ?

J’en ai des milliers, mais mon favori :
Muscat et un maki Denti (poisson de méditerranée)  abricot confit/tome de brebis, avec un soupçon de pancetta grillée.

Vos conseils pour les nouvelles générations de vignerons ?

Etre passionné, la passion est le seul moteur qui en vaille la peine.
Etre rigoureux, être sincère, travailleur et courageux.
Ne jamais s’endormir sur ses lauriers, ni se décourager.
Car tout est à faire, surtout en Corse. Tout est possible.
Respecter la terre, les gens qui y travaillent. On ne la possède pas,  gardons ça  à l’esprit, ce que la nature vous donne, elle peut vous le reprendre aussi vite.
Il faut apprendre à connaitre sa terre, ses parcelles, leur spécificités, leurs attentes…
Se donner les moyens de ce qu’on veut vraiment faire. Etre à la fois humble et ambitieux,  ca parait très pompeux, mais ca résume tout.

Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?

D’aller au bout de tous les projets que j’ai en tête, même les plus fous, tout en continuant à travailler avec le respect des gens, de la nature, et des générations qui m’ont précédées.
Faire au moins aussi bien qu’elles !

vin corse

Domaine Devichi

20 253 Patrimonio
Tél : 04 95 37 01 07
Fax : 06 03 83 57 03

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Un commentaire à “Interview en Haute-Corse avec Maria-Francesca Devichi”

  1. eveso@free.fr

    Bravo Marie-Françoise pour partager ta passion, ton savoir faire et nous faire découvrir ton si joli métier !! Big bisous de nous tous !! Evelyne.